Comment ce qui n’était au départ qu’un défi, voire un
jeu, s’est transformé en découverte exceptionnelle. Un site à classer au
patrimoine mondial de l’UNESCO ?
Dans les années 1980, Francis Pierre et un groupe d’amis,
attirés par les anciennes mines et la spéléologie, décident de porter leur
attention sur la Haute Vallée de la Moselle. « Un choix guidé en partie
par le hasard… » confiait Francis Pierre à l’occasion de la première du
cycle de conférences « Il y a avait à cette époque une sorte de défi entre
plusieurs équipes, l’objectif étant de mettre au jour de nouvelles richesses
archéologiques ». Le choix du secteur du Thillot n’était a priori guère
porteur de promesses. Situé en zone limite du cercle minier germanique,
pas de rayonnement international comme peuvent en avoir les grosses cylindrées
que sont notamment certains sites de Bohème ou du Tyrol... Avant 1990, les
mines du Thillot sont donc inconnues, méconnues pourrait-on plutôt dire. L’exploitation
minière, stoppée en 1761, a largement laissé le temps à la nature de reprendre
ses droits. Menant parallèlement ses travaux dans les archives et sur le
terrain, l’équipe de la SESAM (Société d’Etude et de Sauvegarde des Anciens
Mines) créée en 1986, va aller de découverte en découverte, mettant petit à
petit à jour des vestiges d’une richesse remarquable. Les chercheurs se rendent
bien vite compte que l’activité minière concerne l’ensemble de la haute vallée
avec des mines d’argent à Bussang, de fer à St Maurice, de cuivre au Thillot et
de fluorine à Ramonchamp, l’ensemble étant logiquement complété par les installations
de fonderie - et donc fabrication du charbon de bois – un réseau fourni de chemins
permettant le passage des chariots chargés de minerais. Un concept « Vallée des Mines »
pourrait-il voir le jour ? Dans les années 80, l’équipe de la SESAM s’attaque
donc à des lieux ne présentant que quelques orifices plus qu’à moitié bouchés
et des gros tas de cailloux. Depuis cette date, les découvertes sont à la
hauteur de la patience déployée : immenses !
Prochaines conférences Vendredi 26 mai
Images de la mine et des mineurs. Vendredi 23 Juin
Mines du Thillot, mines de Château-Lambert, une histoire peu commune. Vendredi 15 septembre
1617 - La poudre noire dans les mines ducales du Thillot : Étude archéologique d’une révolution technique en Europe.
à 20h00 salle Cécile Valence - Entrée libre
Sonnette d’alarme !
Des galeries sont rouvertes, topographiées, pompées pour en
extraire des vestiges rares, mettant en évidence des techniques de percement où
le marteau et la pointerolle céderont le pas à la poudre noire. Un document
comptable d’archive, illisible pour le commun des mortels, est déchiffré par l’équipe
de la SESAM, prouvant l’achat de poudre noire pour faire « sauter »
la roche dans les mines du Thillot au 4ème trimestre 1617, crée l’émoi
dans le monde scientifique spécialisé. La ville de Schemnitz (Banská Štiavnica
en Hongrois), située en Slovaquie est coiffée sur le poteau, elle qui s’enorgueillissait
de l’utilisation la plus précoce en Europe en 1627. « En attendant peut-être
qu’un jour on trouve des preuves d’une utilisation encore plus ancienne
ailleurs… » précisait Francis Pierre avec humour et humilité. La commune
du Thillot est donc riche d’un véritable trésor, présentant des vestiges
magnifiques, notamment concernant les techniques d’extraction et le système
complexe de pompage de l’eau dans les galeries « qui font bien des envieux »
confiait le président chercheur, un site particulièrement significatif au plan
visuel avec des haldes parfaitement dessinées dans le paysage, des archives
écrites d’une grande richesse précisant notamment le rendement très élevé (rapport
entre minerai et métal extrait)des cuivres qui sortaient des veines de la
montagne. Un site qui n’a pas encore livré tous ses secrets, témoin cette pièce
de bois trouvée il y a quelques jours à peine, permettant de comprendre une
partie de la transmission de la mécanique d’extraction de l’eau afin d’acheminer
la force motrice de la grande roue à augets de 9.60m de diamètre vers les
pompes situées dans les galeries. Et Francis Pierre de présenter en dernière
partie de sa conférence une hypothèse : et si les mines du Thillot étaient
classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO ? S’appuyant sur la charte de l’organisation
mondiale, le scientifique argumentait que le site est en droit d’y prétendre…
En attendant une telle éventualité, le président de la SESAM ne manquait de tirer une stridente sonnette d’alarme :
certaines parties du site subissent une dégradation accélérée, due aux
tempêtes, mais aussi et surtout à une exploitation forestière qui ne respecte
pas ce patrimoine. « A ce rythme, dans quelques années, de nombreux
vestiges auront totalement disparus ! »