Hier en soirée, le public ayant répondu présent à l’invitation
de la médiathèque a eu droit à un spectacle « A tous ceux
qui ! » dont le moins que l’on puisse dire est qu’il
« a remué les tripes ! ». A la manière de la
galerie de portraits à la Jacques Brel lorsqu’il raconte « Ces
gens-là », la troupe de la compagnie « Si j’étais
vous ! » du Centre Léo Lagrange d’Epinal a dressé une
photo de famille, de gens simples, de gens « d’en bas »
d’un réalisme étouffant… Tout de noir vêtus, comme s’ils
portaient leur deuil de leur vie, de la Vie, dans un contexte où la
guerre et ses ravages sont omniprésents, le disputant aux amours
déçues, aux carcans moraux mis en place par la société, ces
personnages profondément humains – comment pourrait-il en être
autrement ? – parviennent à se défaire de leurs souffrances
profondes en se réfugiant dans le rêve ou la folie. D’autres
choisissent la méchanceté comme issue de secours. Ils deviennent
ainsi des monstres, crachant sur tout le monde afin de pouvoir mieux
exister… Seuls la folle qui parle à sa chaussure et l’ivrogne
s’en sortent pas si mal, parvenant à mettre en œuvre leur
exutoire sans nuire aux autres… Deux personnages dont on se sait
s’il faut en rire ou en pleurer. Une photo de famille admirablement
servie par des comédiens amateurs « Qui n’ont rien à envier
à des professionnels » confiait Maryse Mangin lors de son
petit mot d’accueil, et admirablement soutenue par Guérin
l’accordéoniste et Roxanne la pianiste, ainsi que par la voix
somptueuse de Svitlana. Un hymne à la tolérance, porté par ces
portraits somme toute banals mais qui, au travers de ce miroir qu’est
le public dans une mise en scène assumée, permet de comprendre que
ces monstres à la cruauté persistante, ou ceux considérés comme
tels, sont des êtres humains en proie à la souffrance, des êtres
qui n’ont pas pu, ou pas su s’envelopper dans une armure… Le
mot de la fin sera laissé au centenaire de la famille « On ne
pleure pas ceux qui ont trop vécu. Dansez, mes enfants, dansez. La
nuit vient. Dansez. Dansez».