LE THILLOT
Ertan, maître artisan du rasoir
(4 photos)
Ertan, maître artisan du rasoir
(4 photos)
Dans son atelier installé dans l’ancienne usine de la Courbe, le temps semble s’être arrêté. Seul, son smartphone, posé sur un coin de son atelier, diffusant de la musique, permet de se rendre compte que nous sommes bien au XXIème siècle. Ertan Süer fabrique des rasoirs qui n’ont rien d’électrique, mais que les barbiers s’arrachent sous la marque Gustave Lalune. « Le prénom est un hommage à Gustave Eiffel, maître de l’acier et Lalune est un clin d’œil à Luna Feist & Co, une ancienne marque de rasoir allemande très cotée » explique-t-il. C’est là que depuis trois ans, il fabrique ses rasoirs entièrement à la main, à l’ancienne, selon une méthode telle que la pratiquaient ses prédécesseurs depuis des lustres. Il reçoit ses lames préformées par des machines qui écrasent le métal à 40 tonnes de pression après qu’il ait été chauffé à 1400 degrés. « Ces ébauches sortent des forges de Thiers et Nogent en Bassigny, deux villes célèbres par leur coutellerie ou encore d’Allemagne. C’est d’ailleurs dans ces fabriques que je me suis formé » précise-t-il « Ensuite, c’est à moi de jouer ». Les lames passent ainsi par de nombreuses étapes, allant des meules de différentes tailles aux pierres à aiguiser à la granulométrie de plus en plus fine, avant de finir sur différentes lanières de cuir, enduites de pâtes elles aussi émerisée de façon décroissante ».
En chemin, les tests sont légion, permettant de s’assurer de la
souplesse du fil par pression sur le pouce, faire sonner la lame à proximité de
l’oreille pour en apprécier (ou pas !) la sonorité ou encore de la
capacité de la lame supposée terminée de couper un poil par simple
effleurement. Le bras d’Ertan porte d’ailleurs les traces de ces tests, une
partie étant nettement moins fournie en poils qu’ailleurs…
Certaines lames sont guillochées, c’est-à-dire sculptée à des fins purement
ornementales. Reste à fabriquer les manches. Là encore, le choix est
multiple : bois exotiques ou encore corne sont en première ligne avant
l’assemblage, qui se doit d’être méticuleux au possible.
Ce sont ainsi un millier de rasoirs qui sortent annuellement de l’atelier
thillotin, réunis en une gamme présentant une vingtaine de modèles, dont
certains sont carrément magnifiques, avec des lames décorées de motifs
effectués par électrolyte. « Je vends pour l’essentiel à des barbiers ou
des fournisseurs de barbiers » confie-t-il « Plus quelques
particuliers ». Une activité aussi insolite qu’improbable qui passe les
siècles sans encombre : « Les robots ne sauront jamais faire ce travail ! »
conclut Ertan avec le sourire.